Mon expérience neutoatypique

Comme je l’ai annoncé dans mon article d’hier, j’ai décidé de partager mon expérience. J’ai découvert il y a 18 mois que j’avais beaucoup de comportements et de fonctionnements similaires à des HPI.
Revenons sur ce qui m’a amenée à rédiger cet article.

Ma meilleure amie m’a offert Comme un oiseau dans un bocal pour mon anniversaire pour deux raisons :
– elle m’a reconnu dans certains fonctionnements et situations que vivent les personnages
– elle savait qu’avant de débuter ma reconversion professionnelle, ma conseillère avait reconnu beaucoup de traits typiques des surefficients (je déteste ce terme, je préfère nettement celui de neuroatypique, moins pompeux, moins arrogant et qui offre une meilleure compréhension de ce que c’est).
Plusieurs raisons l’ont poussée à cette conclusion : on a fait le point sur mon passé, mes savoir-faire et savoir-être, mon parcours scolaire et professionnel ainsi que les résultats que j’avais obtenus sur des exercices complexes. Ils étaient excellents (avec le doute qui m’obligeait à vérifier avant de valider ma réponse, le stress/angoisse de ne pas y arriver, le plaisir ressenti à la résolution des problèmes avant même de connaître la solution, la frustration que l’exercice se termine si tôt, et la minimisation de la réussite : « c’était pas dur, tout le monde peut le faire »), etc.
Pour elle, ça correspondait tout à fait aux HPI. Je n’y croyais pas un seul instant.

Donc, j’ai fait des recherches, suivi des conférences de Christelle Petitcolin qui est d’ailleurs en référence dans Comme un oiseau dans un bocal. J’ai même acheté son livre Je pense trop, mais avec la RAN des métiers du numérique, je n’avais pas pris le temps de le lire. Dans tout ce que j’ai trouvé, je m’y retrouve à 90%.
Ça a été terrifiant. Je me suis construite sur l’image de quelqu’un de moyen, avec des résultats scolaires moyens, pour qui tout était difficile :

– l’apprentissage n’était pas stimulant, apprendre pour apprendre n’a aucun sens ;

les relations sociales sont compliquées, je n’ai pas les codes et si y a une maladresse à faire, elle est pour ma pomme. « Faire la conversation », j’en suis incapable. Pour moi, parler pour ne rien dire n’a pas de sens. Malheureusement, ça passe pour de l’indifférence. J’arrive à me fondre dans le décor… en restant discrète, effacée jusqu’à ce que les gens me connaissent.
J’ai la chance d’avoir des amis super, ouverts qui me connaissent, me comprennent et m’acceptent comme je suis… et je remercie tous les jours le ciel pour ça. Mais malgré ça, je suis en perpétuelle insécurité affective… j’ai tellement peur d’être abandonnée que pendant longtemps, si je sentais un couac ou une distance, je détruisais les relations que j’avais parce que si je partais la première, on ne me quitterait pas ;

– une hypersensibilité, souvent considérée comme une immaturité affective.
Une empathie envahissante dont je suis incapable de me protéger. Pendant quelques années, j’ai réussi : la colère était mon bouclier, mais c’est pas possible d’être tout le temps en colère, c’est épuisant.

– une hyperacuité sensorielle handicapante : tout m’agresse, le bruit, le toucher, la lumière, les odeurs, les goûts que je n’aime pas et qui ressortent puissance 10. Les migraines que ce trop provoque. La difficulté à entendre certains bruits à l’extérieur parce que certains sons (les véhicules, le vent, les basses, etc.) ont une fréquence qui parasitent les autres.
J’ai réussi à pallier aux problèmes de concentration que ça occasionne, pourtant, ça coupe quand même ma concentration.

les pensées envahissantes : impossible de ne pas anticiper des problèmes qui n’arriveront peut-être jamais, ou de ne pas résoudre des problèmes existants.
Mon cerveau va me proposer des solutions les unes à la suite des autres, souvent toute la nuit et me réveillant avec des fulgurances.
Je vais me lancer dans une activité, en parallèle je continuerai à réfléchir à mon problème jusqu’à ce qu’il soit résolu. Ça peut prendre des jours. C’est une charge mentale très lourde que je me rajoute.
J’ai un besoin presque compulsif d’être occupée, ne pas laisser la place au vide… ou ne pas laisser la liberté à mon cerveau de vagabonder. J’ai commencé à écrire afin de sortir les histoires envahissantes et entêtantes qui m’assaillaient pour me vider l’esprit et pouvoir passer à une autre histoire.

Le seul point sur lequel je ne me retrouve pas, c’est la curiosité. Je le suis, mais c’est une curiosité sélective en fonction de son utilité et je vais avoir du mal à aller au bout de ce qui m’intéresse parce qu’une recherche va m’amener à une autre puis à une autre et je n’aurai pas été au bout de la première exploration.

Comme je le disais plus haut, ça a été très compliqué d’accepter que peut-être, j’étais moins bête que ce que je croyais. Je sentais bien qu’entre l’image que je m’étais créé et mes réalisations, quelque chose clochait, mais pas moyen de mettre le doigt dessus. Mes réactions sont excessives, bien différentes de ceux qui m’entourent, mais je me disais que j’étais un peu barrée, un peu obsessionnelle, rien de méchant ni de grave. Pourtant, la différence est là et parfois, dure à vivre.
Et cette formation en informatique m’a conforté dans cette idée que finalement, je faisais probablement partie des neuroatypiques. J’ai réussi ma licence professionnelle, mais à quel prix ? Je ne compte plus les fois où j’ai lutté contre moi-même ou contre :
le syndrome de l’imposteur : déjà en tant qu’auteur, j’avais la sensation de ne pas avoir mérité  mais alors là… je réussissais les soutenances parce que je n’étais pas seule, on m’a pris parce qu’il fallait combler le nombre de participants, et ne parlons pas de la chance cette formidable alliée (c’est ironique quand on sait à quel point j’ai la poisse), etc. Bref, mes réussites n’étaient jamais de mon fait, mais toujours d’un facteur extérieur ou grâce à un travail acharné ;
la culpabilité de me faire passer avant les autres, d’être moins présente et moins à l’écoute pour mes proches ;
– le stress et l’angoisse paralysante d’échouer qui me freinaient ;
– les crises de larmes que ça a engendré.
Heureusement qu’on avait une intervenante en communication avec laquelle on a travaillé dessus. Ça m’a fait beaucoup de bien.

Maintenant, la question qui se pose : suis-je vraiment neuroatypique ?
Je n’en sais rien. J’en ai tous les signes.
Mais je resterai dans le flou puisque je ne compte pas me faire tester. Pourquoi ce choix ? Parce que je ne sais pas ce qui serait le pire : avoir confirmation que je suis HPI avec toute la pression que ça représente ou me retrouver avec un résultat négatif ou « non significatif » comme Raya dans Comme un oiseau dans un bocal.

J’en profite pour faire le parallèle avec cette bande-dessinée de Lou Lubie.

Attention, SPOILER
Je me suis reconnue dans les deux personnages, pas à 100%, mais à environ 70% sur Birdo et 80% sur Raya.
Comme Birdo, je ne suis pas un ermite social, j’ai des amis, j’arrive à discuter avec les gens en prenant sur moi, mais comme lui, j’ai un faux-self : l’image que je montre, alors que dans ma tête, ça crie et ça veut se libérer, mais je suis prise au piège des conventions sociales que je respecte pour ne pas blesser les autres, pour me cacher.
J’ai une grande capacité de recul quand je ne suis pas impliquée ou quand je fais abstraction de l’émotionnel donc surtout dans ma vie professionnelle. Je prends sur moi, je m’ajuste aux situations et je réagis pour changer ce qui est nécessaire.
Mais j’ai tendance à trop m’adapter aux attentes des autres quitte à m’oublier, ce qui peut mener au burn-out ou à l’effacement de mon moi.
J’ai une réflexion intuitive. En maths, j’avais les réponses, mais mon raisonnement n’était jamais celui attendu donc j’ai fini par me dire que j’étais nulle en sciences et ne pas chercher plus loin.

Comme Raya, j’ai eu un parcours scolaire chaotique : élève moyenne parce que l’apprentissage linéaire ne me convenait pas (et peut-être une dyslexie phonique non détectée, mais palliée avec beaucoup de travail sur moi-même et d’entraînement pour distinguer les sons f, v, j et faire correspondre la bonne lettre). Je ne me débrouillais que lorsque ça avait du sens, que c’était difficile ou que ça me passionnait (fac de japonais, licence pro en développement web et d’application, etc.). J’ai eu plein de petits boulots en intérim qui ne duraient jamais plus de 2 ans et je m’en contentais. Le dernier a duré 10 ans, et je me suis sentie mourir à petit feu tellement je m’ennuyais à la fin. Je m’intéresse à des domaines variés.
J’ai de l’imagination, ce qui me permet d’écrire des romans, étonnamment, ça cohabite assez bien avec ma rigueur et mon sens de l’organisation, probablement parce que ces savoirs-être ont été développés par-dessus.
Je ressens un fort décalage avec les humains, avec la société dans laquelle on vit. Je ne m’y sens pas à ma place. L’injustice me révolte et Dieu sait qu’il y en a dans ce monde. Tout me blesse.
Tout ce que je fais doit avoir du sens, quand ce n’est pas le cas, je le vis assez mal. Malheureusement, rien de ce que je fais n’est jamais bien, saleté de manque de confiance en soi ! J’ai une putain d’exigence envers moi-même, je ne me passe rien, c’est terrible.
J’ai bien ri sur les conversations qu’elle a avec son copain où lui a confiance en elle donc accepte sans problèmes qu’elle voit Birdo alors qu’elle s’en fait une montagne et ça prend des proportions pas possibles – et ça me rappelle tellement certaines discussions avec mon conjoint.
Je ne reviendrai pas sur les points que j’ai listés plus haut (le syndrome de l’imposteur, l’hypersensibilité, etc.).

Qu’est-ce que cette suspicion de neuroatypisme m’a apporté ?
Comme dit, beaucoup de soucis et d’angoisse. Beaucoup de larmes aussi.
Mais c’est une bonne chose.
Ça me permet de mieux comprendre et d’anticiper les malentendus dans mes conversations de couple. Avant, les réactions de mon compagnon m’exaspéraient, pourquoi il vit au jour le jour, pourquoi parler de la mort l’énerve et le pousse dans ses retranchements ? Les sujets étaient multiples. Maintenant, je sais que j’ai un fonctionnement différent, je fais attention aux sujets que j’aborde et je n’insiste pas si de son côté je le sens réfractaire.
En fait, je me sens moins incomprise. J’ai en partie trouvé ma place.
Enfin, et c’est le plus important pour moi, ça m’aide également avec ma fille, nos relations sont moins tendues, on s’est rapprochées, mais c’est une autre histoire.

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