Titre : Balzac et la petite tailleuse chinoise
Auteur : Sijie Dai
Éditeur : Folio
Nombre de pages : 228
Quatrième de couverture : Nous nous approchâmes de la valise.
Elle était ficelée par une grosse corde de paille tressée, nouée en croix. Nous la débarrassâmes de ses liens, et l’ouvrîmes silencieusement. À l’intérieur, des piles de livres s’illuminèrent sous notre torche électrique; les grands écrivains occidentaux nous accueillirent à bras ouverts : à leur tête, se tenait notre vieil ami Balzac, avec cinq ou six romans, suivi de Victor Hugo, Stendhal, Dumas, Flaubert, Baudelaire, Romain Rolland, Rousseau, Tolstoï, Gogol, Dostoïevski, et quelques Anglais: Dickens, Kipling, Emily Brontë…
Quel éblouissement! Il referma la valise et, posant une main dessus, comme un chrétien prêtant serment, il me déclara: avec ces livres, je vais transformer la Petite Tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde.
J’ai découvert ce roman il y a déjà quelques années suite à une chronique de la blogueuse Nymou rossignol livresque… et il a traîné pendant tout ce temps dans ma PàL.
Je ne m’attendais pas à grand chose, pourtant cette lecture m’a surprise. Un petit contexte historique ne fait pas de mal.
L’histoire se situe dans les années 70 en Chine sous le régime de Mao Zedong. À l’époque, les jeunes “intellectuels” étaient envoyés à la campagne pour y être rééduqué. La moyenne était de deux ans, mais ça dépendait du bon vouloir du chef de village et surtout du statut des parents des ados dans la société : réactionnaires ou non. Finalement, je me dis que la période actuelle avec le contrôle de la population, la manipulation des informations et du statut bon ou mauvais citoyen n’est qu’une suite logique de cette situation communiste.
On suit le narrateur et son ami Luo qui sont envoyés à la campagne : leurs parents, trop connus, trop intellos, trop grande gueule sont médecins et ont été déclarés ennemis de l’état. Les deux garçons n’ont donc aucune chance de retourner chez eux. Ce qui les sauve d’une vie morne et sans intérêt (pour eux), c’est d’abord la musique (le narrateur joue du violon), puis les histoires qu’ils racontent (Luo est un conteur très doué et lorsqu’ils s’y mettent à deux, les deux amis fascinent les villageois).
Ils fréquentent un troisième rééduqué, le Binoclard, qui possède une valise secrète contenant des livres occidentaux. Du moment où nos héros le savent, ils n’auront de cesse de les emprunter, ce qui déplaît et effraie leur camarade.
Du coup, on comprend aisément ce que vient faire Balzac dans cette histoire, mais qu’en est-il de la petite tailleuse chinoise ? C’est la plus belle fille de la région, Luo s’en éprend et va la séduire avec ses récits.
J’ai beaucoup aimé le narrateur. Il est timide et pas très déluré, mais il va évoluer au fil des pages. Il est fidèle en amitié et ce n’est pas toujours gagné parce que les tentations de trahir dans le but d’améliorer sa condition sont nombreuses.
Pour Luo, je ne sais pas trop. C’est mitigé. Par moment, j’ai apprécié sa débrouillardise mais parfois, il tirait trop la couverture à lui.
Je n’ai pas réussi à me faire une idée précise sur la petite Tailleuse. Elle ne se confie pas réellement au narrateur, on ignore ce qu’elle pense, ce qu’elle éprouve. Difficile de s’attacher à elle dans ces conditions.
Quant au Binoclard, dès sa première apparition, je ne l’ai pas aimé sans raison spéciale et la suite a donné raison à mon instinct.
Ça a été une lecture super rapide. En deux jour, j’ai terminé ce roman que j’ai bien aimé. Il était intéressant, passionnant lors de nombreux passages, dépaysant mais surtout révoltant de par le contexte historique et l’injustice faite aux jeunes “intellectuels”.
Je n’ai qu’un bémol : la fin. On ignore ce qu’il advient des personnages. La petite Tailleuse a bien changé et prend une décision qui modifiera le cours de sa vie, sans pour autant que le lecteur sache comment les choses vont tourner pour elle. Quant à Luo et au narrateur, quel avenir ont-ils ? Vont-ils rester ad vitam eternam dans ce village montagnard ? Je déteste ces incertitudes qui me donnent l’impression que le roman n’est pas terminé.